Pendant sa courte carrière, Modigliani ne s’intéresse qu’à la figure humaine. En 1917, il peint une série de nus très stylisés qui font scandale parce qu’on aperçoit les poils pubiens des modèles. Le *Nu assis à la chemise* appartient à cette série de tableaux. Ici, la figure esquisse un geste de pudeur en dissimulant son intimité sous un linge blanc. On aperçoit malgré tout un sein et le pli de son entrejambe. Comme Picasso, Modigliani simplifie les formes du corps mais il insiste sur les lignes courbes : les masses sphériques des cuisses, la rondeur du sein et des épaules, les arcs de cercle des bras. Dans le fond, on aperçoit des boiseries qui dessinent des verticales et des horizontales. Ces lignes droites contrastent avec les arabesques tracées par le corps et le drapé de la chemise.

Le modèle de ce nu n’est pas reconnaissable à cause de la manière dont le visage est traité. La forme allongée et géométrique rappelle des masques de Côte d’Ivoire dont Modigliani était friand. Il s’est beaucoup intéressé à l’art africain pendant la période où il s’est consacré à la sculpture, entre 1911 et 1914. On reconnaît plusieurs caractéristiques des masques qui l’inspirent dans le visage du *Nu assis à la chemise*, notamment l’allongement du visage, son profil en creux et les yeux vides en amande. Le traitement de la chevelure est aussi très particulier : les mèches ont été marquées dans la peinture fraiche avec le manche de pinceau et donnent l’impression d’avoir été gravées dans du bois.

Roger Dutilleul appréciait particulièrement les nus de Modigliani. Il en a achetés plusieurs pour sa collection, mais le visage et le geste de pudeur de celui-ci lui donnent une tonalité singulière.