La tête tournée de côté, le bras rabattu sur la poitrine, *Le Mécanicien *de Fernand Léger a l’attitude d’une divinité égyptienne. Ni le décor, ni ses vêtements ne permettent de l’identifier comme un travailleur en action. C’est la composition elle-même qui le situe dans le monde industriel : les membres rutilants, assemblés comme les pièces d’un automate, se détachent sur un fond presque abstrait où l’on devine les pièces d’une machine. Les lignes courbes du corps contrastent avec les lignes verticales et horizontales du décor.

Fernand Léger pousse aussi au maximum le contraste des couleurs : il juxtapose le noir et blanc ainsi que des couleurs vives, réduites au rouge, au jaune et au bleu. Il cherche à traduire le rythme de la vie moderne, envahie par la machine et la publicité. La figure humaine, en 1918, y est presque invisible, puisque *Le Mécanicien* en est le seul exemple.
Il existe une deuxième version de ce tableau, réalisée deux ans plus tard et conservée à la Galerie nationale du Canada. Plusieurs détails modifient la scène : quelques courbes sont glissées dans le décor et une volute de fumée s’échappe de la cigarette. Le personnage est habillé d’un maillot de corps et sa peau prend une teinte plus chaude. Ces différences accentuent le réalisme de la composition mais neutralisent un peu la radicalité de la première version.

Celle-ci a été achetée par Jean Masurel au milieu des années 1920, avant d’être échangée, vingt ans plus tard et à regret, contre un papier collé de Georges Braque. Son oncle Roger Dutilleul rachète immédiatement le tableau afin de le réintégrer dans la collection familiale.