Cette peinture sans titre appartient à une série de dix-huit tableaux peints par Joan Miró entre les mois de mars et de juin 1933. Rien ne nous indique ce que celui-ci représente. On voit des formes flotter au milieu d’un espace indéterminé, sans ligne d’horizon et sans illusion de profondeur. Les couleurs sont peu nombreuses mais employées de deux manières différentes : le peintre joue avec des contrastes forts pour les figures en noir et blanc, auxquelles s’ajoutent quelques touches de bleu et de rouge vif, tandis que le fond montre des transitions très subtiles entre des tonalités plus sourdes des mêmes teintes.

Les contours courbes et irréguliers des objets représentés leur donnent l’allure d’êtres vivants en train de voler ou de nager dans un espace de rêve. Il s’agit pourtant à l’origine d’objets manufacturés. Pour réaliser la série à laquelle appartient ce tableau, Miró a découpé des formes dans les pages de catalogues de vente par correspondance puis les a collées sur une feuille de papier. Cloué au mur de l’atelier, le collage obtenu a servi de modèle à la peinture de grand format. Dix-huit collages correspondent donc aux dix-huit tableaux de cette série. En confrontant cette toile-ci au collage original, on reconnaît une cuiller et une fourchette dans les formes flottant dans la partie droite du tableau. Le couteau, quant à lui, est absorbé par la figure moustachue de la partie gauche.
Transposition d’un collage en peinture, cette toile flotte elle-même dans un espace indéfini : elle puise son inspiration dans le quotidien de la vie moderne, mais donne à voir un espace sensuel et onirique.